Recensement hospitalier des approches complémentaires de santé : danger de l’ignorance
Jahinna DUPLAIX, Institut Desbrest d’épidémiologie et de santé publique (IDESP)
Introduction
Les pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) désignent des approches dont la connaissance est encore jugée “incomplète voire insuffisante” par le Ministère de la Santé (2024). Elles sont de plus en plus utilisées à l’hôpital. Faiblement réglementées, elles exposent à des risques (ex., interactions délétères avec des traitements biomédicaux, errance thérapeutique, refus de soin)(Renet et al., 2011). La loi HPST de 2009 suivie de la nouvelle procédure de certification pour la qualité des soins produite par la HAS en 2020 exige une traçabilité dans le dossier patient pour garantir la qualité et la sécurité des soins. Sachant qu’aucune étude n’avait exploré le sujet à l’échelle de l’hôpital, l’objectif de notre étude est de mettre en évidence l’usage des PSNC dans un centre hospitalier universitaire français sur une période d’un an.
Méthode
Une analyse textuelle rétrospective a été menée sur les 160 642 dossiers d’hospitalisation de l’année 2022 du CHU de Montpellier. L’algorithme de text-mining Python 3.10 à été utilisé. Dix-neuf termes de PSNC, sélectionnés à partir des rapports de l’OMS et validés par triangulation via trois intelligences artificielles génératives, ont été recherchés dans les dossiers médicaux d’hospitalisation. Un total de 2 762 séjours comportait au moins une mention. L’âge moyen était de 45 ans, et 73,9 % des séjours concernaient des femmes. Des statistiques descriptives ont été réalisées selon la pratique, le service hospitalier, la profession du rédacteur, l’âge, le sexe et le diagnostic principal.
Résultats
Les 2 762 séjours (1,7 %) comportent au moins une mention de PSNC, soit au total 4 565 mentions sur 160 642 dossiers d’hospitalisation. Tous les termes recherchés ont été trouvés. Les pratiques les plus fréquemment citées étaient l’hypnose, le yoga, la méditation, l’homéopathie et l’ostéopathie. Le pic de mentions se situe entre 50 et 59 ans. La douleur était le diagnostic principal dans 59 % des cas. Tous les services hospitaliers et praticiens rédacteurs étaient concernés avec une majorité de recensement par les personnels paramédicaux (59,3 %) et les unités d’algologie et de psychosomatique.
Conclusion
Les résultats confirment la littérature existante sur une prédominance de pratique visant à traiter la douleur (Martini, 2024). Ils confirment aussi que ces pratiques sont utilisées majoritairement par des femmes. Ils soulignent la faible traçabilité des PSNC à l’hôpital. Ce manque de reporting impose de renforcer la vigilance clinique et administrative en conformité avec les attentes réglementaires en vigueur. Une véritable traçabilité garantirait une qualité, une efficacité et une sécurité supérieure des actes de soins prodigués aux patients sans les stigmatiser.