Intolérance à l’incertitude lors de la prise en charge ostéopathique : étude longitudinale auprès d’étudiants et de praticiens
Chloé MUNNIER, IdHéO Nantes
Contexte et enjeux cliniques
Le raisonnement clinique est une compétence fondamentale en ostéopathie, mobilisée à chaque prise de décision diagnostique ou thérapeutique, souvent dans des contextes d’incertitude. L’intolérance à l’incertitude (IU) est décrite comme l’incapacité à faire face à un manque de données ou à l’ambiguïté des informations collectées. C’est un biais cognitif qui peut altérer le raisonnement, accroître l’anxiété des professionnels et favoriser des prises de décision inappropriées (surdiagnostic, surtraitement). En revanche, elle reste peu étudiée dans le champ de l’ostéopathie et est un enjeu important de la formation des professionnels. Cette étude vise à explorer les niveaux d’IU chez les ostéopathes et les étudiants en ostéopathie en France, à en identifier les facteurs associés (anxiété, croyances, expérience) et à évaluer son évolution dans le temps.
Méthodes
Une étude longitudinale par questionnaire en ligne a été menée auprès de 388 participants (étudiants de 3e à 5e année (N = 191) et ostéopathes diplômés N = 197). Deux temps de mesure ont été réalisés : à l’inclusion (t0) et 6 mois plus tard (t1, n = 190). Les outils comprenaient l’échelle française validée IUS-12-H (IU), l’échelle HAD (anxiété), et des items ajoutés sur les croyances, le dogmatisme et les pratiques professionnelles dans le contexte de l’ostéopathie. Les analyses statistiques comprenaient une validation psychométrique de l’IUS-12-H, des régressions linéaires, et des modèles mixtes pour données longitudinales.
Résultats
L’IUS-12-H présente de bonnes qualités psychométriques (Structure à 3 dimensions, Bartlett<0.01, KMO=0.88, alpha de Cronbach=0.83, Omega de McDonald=0.87). Les scores d’IU sont significativement plus élevés chez les femmes (24.0 vs 22.9), les étudiants (21.9 vs 23.6) et les personnes anxieuses (+7 points tous les 10 points d’augmentation du score à l’HADS). Après 6 mois, une diminution modeste (4.8%) mais significative (p=0.05) de l’IU est observée, modulée par le genre, le niveau d’anxiété et le statut professionnel (étudiant vs praticien).
Conclusions cliniques et perspectives
La légère diminution observée sur six mois suggère que l’IU évolue lentement, probablement sous l’effet de l’expérience clinique progressive. Cette stabilité relative souligne la nécessité d’interventions pédagogiques et professionnelles ciblées pour la moduler plus efficacement. Plusieurs propositions/perspectives pourraient être envisagées et évaluées comme une formation spécifique à la gestion de l’incertitude et de l’anxiété, la promotion du travail en équipe pluridisciplinaire, ainsi qu’un accompagnement post-diplôme structuré.